La diversité au sein des conseils d’administrations
Un cadre qui se serait endormi dans les années 1970 et qui se réveillerait aujourd’hui aurait du mal à reconnaître le monde de l’entreprise. Il serait stupéfait par la vitesse à laquelle s’effectue les transactions par voie numérique, par les barrières levées sur des marchés auparavant inaccessibles et par la diversité accrue (ou du moins l’intention d’y parvenir) sur le lieu de travail dans la quasi-totalité des grandes entreprises du monde.
Mais alors que notre voyageur dans le temps se sentirait dépassé par le travail à son bureau, il ne serait pas dépaysé dans la salle du conseil d’administration. Alors que les entreprises se sont transformées rapidement, les conseils d'administration ont évolué à un rythme glacial. Aujourd'hui, les femmes n'occupent que 21 % des sièges des conseils d'administration des entreprises du classement Fortune 500, et les minorités ethniques seulement 15 %. Après avoir augmenté régulièrement pendant sept ans, le nombre de femmes siégeant dans les conseils d’administration des entreprises du classement Fortune 500 a en fait diminué en 2016.
Alors même que les États-Unis se diversifient et que les marchés se mondialisent, de nombreux conseils d’administration restent culturellement homogènes. Cette situation est en contradiction flagrante avec l'évolution démographique de l'Amérique, où, d'ici le milieu du siècle, aucun groupe ethnique ne constituera une majorité. Au même temps, des marchés comme la Chine et l'Inde représentent une part croissante de la croissance économique mondiale: 35 % de la croissance mondiale devrait avoir lieu en Chine entre 2017 et 2019, contre 18 % pour les États-Unis et seulement 8 % pour l'Europe. En plus d'être une source de demande des consommateurs, la Chine devient rapidement un centre d'innovation, connu pour sa capacité à produire une nouvelle valeur économique en créant ou en améliorant des modèles d'entreprise et des processus de production . Bientôt, les entreprises constateront qu'un pourcentage croissant de leurs clients, et peut-être de leurs investisseurs, sont chinois.
Les conseils d’administration qui ne refléteront pas la composition des marchés les plus dynamiques du monde ne seront pas en mesure de rivaliser aussi efficacement que les autres. Les conseils d’administration culturellement homogènes auront des difficultés à créer des liens avec les nouveaux groupes de consommateurs. Et même si les entreprises s’efforcent d’établir ce lien par le biais de données, sans diversité, leurs efforts resteront probablement vains.
De nombreuses entreprises multinationales sont peu conscientes du problème. Elles sont moins aveuglées par des préjugés culturels manifestes que par une simple incapacité à appréhender les changements survenus sur leurs marchés cibles au cours des 25 dernières années.
Par exemple, des enquêtes récentes montrent que plus de la moitié des membres de conseils d'administration et des directeurs aux États-Unis pensent que leur conseil d'administration est déjà suffisamment diversifié. Plus inquiétant encore, 16 % d’entre eux estiment que la diversité n’a eu aucun effet bénéfique.
Ces croyances sont tout à fait erronées. Les recherches menées par McKinsey suggèrent que les entreprises dont le conseil d’administration compte davantage de femmes enregistrent de meilleures performances financières et rencontrent moins de problèmes de corruption, de lutte entre actionnaires et de fraude. Les entreprises comportant une plus grande diversité de genre ont 15 % de chances supplémentaires de surpasser leurs concurrents moins diversifiés. Les entreprises comportant une plus grande diversité ethnique affichent des résultats encore plus frappants, puisque 35 % d’entre elles affichent des performances supérieures. Les entreprises diversifiées ont tendance à attirer davantage de talents, à obtenir une plus grande satisfaction des clients et des employés et à prendre de meilleures décisions. Ce « dividende de la diversité » montre que, loin d’être un exercice de relations publiques, la diversité se justifie sur le plan économique.
J’ai commencé ma carrière professionnelle en Chine il y a 30 ans. Français d’origine, j’ai eu la chance d’être exposé à la culture chinoise pendant mon adolescence et j’ai rapidement appris la langue. À mesure que le pays changeait autour de moi, j’ai lancé une série d’entreprises. Mes préjugés ont disparu et j’ai appris à m’épanouir dans ce nouveau monde.
En effet, j’avais acquis une connaissance du marché qu’aucune analyse statistique n’aurait pu m’apporter. Comme tout le monde, j’accorde de l’importance aux données, mais les chiffres seuls ne disent pas tout. Le business est une affaire de personnes - leurs langues, leurs traditions, leurs aspirations et leurs croyances. En comprenant ces éléments, on augmente considérablement ses chances de réussite commerciale.
C’est précisément cela que la diversité apporte. Pour l’obtenir, certaines entreprises (et certains pays) prennent des mesures concrètes. Le nouveau rapport de PwC, "A Look at Board Composition", analyse les structures des conseils d’administration des entreprises de l’indice S&P 500. Le secteur du commerce de détail arrive en tête, avec des conseils d’administration légèrement plus jeunes et plus féminins que ceux des autres secteurs. La Norvège se distingue des autres pays en adoptant une règle selon laquelle les conseils d’administration doivent être composés de 40 % d’hommes et de 40 % de femmes, les 20 % restants étant ouverts à l’un ou l’autre genre.
Le monde numérique nous a rapprochés les uns des autres. Mais le manque de diversité dans les conseils d’administration des entreprises montre à quel point une partie des grands influenceurs du monde restent déconnectés. Cela crée un fossé dans la capacité de perception des conseils d’administration : cette « myopie » empêche les entreprises d’atteindre leur plein potentiel.
Reconnaître le problème est un premier pas vers sa résolution. En outre, les entreprises doivent faire de la diversité un impératif commercial en se fixant des objectifs clairs et, si nécessaire, en liant les primes de performances à des objectifs mesurables en matière de diversité. Tel est le principal défi : ancrer la diversité dans la culture d’entreprise, de sorte qu’elle ne dépende pas d’un seul PDG et qu’elle ne devienne pas une mode passagère, suscitant un intérêt purement formel qui resterait sans suite.
C’est la connexion, et non le détachement, qui fait la force d’une entreprise. C’est l’engagement, et non la complaisance, qui renforce le conseil d’administration.
C’est maintenant qu’il faut agir. Les entreprises qui comprennent le pouvoir de la diversité au sein de leurs conseils d’administration pourront s’approprier l’avenir, tout simplement parce qu’elles en font déjà partie.